vendredi 1 février 2008

La lutte pour les droits civiques en musique (1955-1964).

De nombreux titres de soul, folk chroniquent à leur manière les grandes étapes de la lutte pour les droits civiques. Revenons dans cet article sur la période 1955-1964.


Rosa Parks.

* Le 1er décembre 1955, une militante de la NAACP, Rosa Parks, est arrêtée à Montgomery (Alabama), parce qu’elle a refusé de laisser sa place à un Blanc dans un bus. Quelques jours plus tard, la grande majorité des citoyens noirs de Montgomery décide de participer au boycott des bus, lancé par le Women’s Political Council et la NAACP.
Le Back of the bus signé par Carver Neblett, magnifié par Harry Belafonte évoque cette ségrégation dans les transports en commun: «Si tu ne me trouves pas à l’arrière du bus/et que tu ne me trouves nulle part / viens donc à l’avant du bus / c’est bien là que je serai / viens donc à l’avant du bus / c’est là que je voyagerai »
« Si tu ne me trouves pas dans les champs de coton/ si tu me trouves nulle part/ viens donc au bureau de vote/ j’y serai en train de voter. »
Le 13 novembre 1956, la Cour suprême approuve la déségrégation dans les bus de Montgomery. Le boycott prend fin un mois plus tard.


Un car transportant des "marcheurs de la liberté" est arrêté et incendié par une foule blanche sudiste.

- En mai 1961, les marcheurs de la liberté, des manifestants noirs et blancs, commencent à sillonner ensemble tout le Sud pour imposer la déségrégation dans les bus et les lieux publics.
Ils multiplient les marches pacifiques.
Le baladin folk, Phil Ochs revient sur ces marches de la paix avec son titre Freedom riders.
« Jackson, Mississippi est une puissante ville blanche / les Blancs aiment y dominer les Noirs /
Cette situation leur semble normale / mais il va y avoir de la bagarre /
Ils devront partager cette couronne de liberté / […] / les Freedom riders arrivent /
Ils ne tarderont plus / ils arrivent.
»
Leur arrivée est en tout cas contrariée, car à Anniston et Birmingham (Alabama), les Marcheurs de la liberté sont brutalement arrêtés par des bandes de Blancs, sous l’œil complice des autorités locales.


James Meredith escorté pour se rendre en cours.

- En 1962, la Cour suprême ordonne que James Meredith, un étudiant noir, soit admis à l’université du Mississippi, ce qui n’avez jamais été le cas jusque là. L’entrée de Meredith se fait devant des hordes de blancs haineux et n’est possible que grâce à l’intervention tardive des troupes fédérales, qui l’accompagnent jusqu’à sa salle de cours. Des affrontements accompagnent cette entrée sous escorte et font deux morts. L’événement inspire à Dylan la chanson Oxford town, et à Phil Ochs Ballad of Oxford (voir aussi le titre de J.B. Lenoir : Shot on James Meredith évoqué dans un article précédent).




- Le 3 avril 1963, la SCLC lance un puissant mouvement de protestation à Birmmingham (Alabama) contre la politique de ségrégation de la ville. La manifestation pacifique est brutalement réprimée par la police. La photographie précédente fait le tour du monde et prouve à quel point le racisme qui gangrène les EU est insupportable. Gil Turner, leader des New World Singers écrit la même année la chanson Carry it on :

« They will tell their lying stories
Send their dogs to bite our bodies
They will lock us into prison
Carry it on, carry it on, carry it on.”

“ils nous diront leurs balivernes
ils enverront leurs chiens mordre nos corps
ils nous jetteront en prison
on continue, on continue, on continue.”

* Le 28 août 1963, répondant à l’appel de militants pour les droits civiques pour une grande marche sur Washington, 250 000 manifestants se rassemblent sur le mall de Washington. Martin Luther King y prononce son célèbre discours « I have a dream ». De nombreuses personnalités participent à cette marche (les acteurs Marlon Brando, Sidney Poitier, Charlton Heston, Paul Newman). La musique est au cœur de l’événement, puisque tout au long de la manifestation, la foule chante.


MLK eet Joan Baez en pleine discussion.

Une sonorisation installée au Lincoln Memorial offre la possibilité aux chanteurs folk engagés de s’exprimer : la merveilleuse Odetta et Josh White (précédemment évoqué) entonnent I’m on my way, Joan Baez chante Oh freedom, Peter Paul and Mary interprètent le Blowin in the wind du jeune Dylan, ce dernier fredonne When the ship comes in, métaphore limpide du mouvement de libération en route. Enfin, tous les chanteurs se retrouvent pour reprendre à l’unisson l’inévitable We shall overcome.
Pour clore la manifestation deux immenses chanteuses se succèdent à la tribune : la cantatrice Marian Anderson et la reine du gospel Mahalia Jackson.


George Wallace s'oppose physiquement à l'entrée des troupes fédérales venues imposer la déségrégation scolaire dans un établissement d'Alabama.

* D’autres titres brocardent les partisans du maintien d’une ségrégation implacable.
- Ray Scott, dans « the prayer », souhaite les pires avanies à George Wallace, le gouverneur de l’Alabama, dont le leitmotiv fait froid dans le dos : « ségrégation aujourd’hui, ségrégation demain, ségrégation toujours ». Il recueille même 13% des suffrages lors de l’élection présidentielles de 1968 (il devance même Nixon et Humphrey dans certains Etats du vieux sud).

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- Le "fable of Faubus " de Charles Mingus dénonce l’attitude bornée du gouverneur de l’Arkansas, qui s’est opposé, entre autres, à la déségrégation scolaire dans son Etat, alors que depuis 1954, l’arrêt « Brown contre le Bureau de l’éducation » (Brown vs Board of education) pris par la Cour suprême déclare la ségrégation dans les écoles anticonstitutionnelle.


Le gouverneur de l'Arkansas, Faubus en plein discours.

* De nombreux titres reviennent sur la ségrégation raciale qui sévit dans le sud des EU, malgré les lois qui l’interdisent dans les lieux publics. Ils dénoncent les violences et des assassinats de militants des droits civiques ou de civils innocents.
Les relations interraciales restent rares ou mal vues de la part de la majorité de la population blanche. Le « stay with your own kind » de Patrice Holloway revient sur le lynchage d’Emmet Till, jeune noir de 14 ans, lynché car il aurait sifflé au passage d’une femme blanche (août 1955). Ces meurtriers, jugés devant un jury complaisant, seront acquittés.


Le lynchage d'Emmett Till fait la une des journaux à sensation.

- Ce meurtre constitue le sujet du premier protest song de Bob Dylan intitulé The death of Emett Till (1962) :

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« Ensuite, ils ont traîné son corps dans un trou, dans une ravine, dans une pluie rouge sang /
Et ils l’ont balancé dans l’eau pour stopper ses hurlements de douleur /
La raison pour laquelle ils l’ont tué là, je suis sûr que c’est des blagues /
C’était juste pour s’amuser et le regarder mourir à petit feu
»

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Dylan récidive avec deux autres titres consacrés à des meurtres racistes :
The lonesome death of Hattie Carroll compte avec force l’agression d’une jeune serveuse noire par un fils à papa, qui entraîne indirectement la mort de la jeune femme et Only a pawn in their game (« seulement un pion dans leur jeu ») revient sur l’assassinat d’un responsable de la NAACP, Medgar Evers à Jackson (Mississippi), le 12 juin 1963.


MLK lors des funérailles de Medgar Evers.


- Le dimanche 15 septembre 1963, une bombe explose dans l’église baptiste de la 16è rue à Birmingham (Alabama), tuant quatre écolières noires.
Cette tuerie aveugle marque profondément Nina Simone et lui inspire un de ses titres les plus forts : « Mississippi Goddam ».

Les quatre victimes de l'attentat de Birmingham.

« Oh, ce pays est plein de mensonges / vous allez tous mourir et mourir comme des mouches/
Je ne vous fais plus confiance / Vous continuez à dire « allez-y doucement » /
« Allez-y doucement »
». Elle marque ainsi la volonté d’en finir avec les atermoiements qui repoussent toujours au lendemain la fin véritable de la ségrégation et des violences racistes.

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Le 2 juillet 1964, le président Johnson signe le décret d’application de la loi sur les droits civiques, qui donne une protection légale contre les discriminations raciales dans tous les secteurs de la vie publique. Il s'agit d'une étape importante, même si l'application de cette loi traîne en longueur, ce qui attise les tensions.

Sources principales:
- Peter Guralnick:"Sweet soul music_ rythm and blues et rêve sudiste de liberté", éditions Allia,2003.
- Sebastien Danchin:"Encyclopédie du Rythm and blues et de la soul", Fayard, 2002.
- "Freedom. Une histoire photographique de la lutte des noirs américains", Phaidon, 2005.

4 commentaires:

  1. merci beaucoup pour ce blog

    Thierry Marseile

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