Des livres, des films, des émissions, des musiques, de l'art pour apprendre et comprendre le monde

Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

Rendez-vous tout de suite sur Samarra !

mardi 18 décembre 2007

Sarajevo-Tango

Le livre

Indigné par l'impuissance volontaire ou non de la "communauté internationale" pendant le siège de Sarajevo par les forces serbes de Bosnie, l'auteur de Bandes-dessinées Hermann a écrit en 1995 une BD-manifeste. Publiée peu de temps avant la fin du siège et les accords de Dayton mettant fin à la guerre, le livre a été envoyé par l'auteur à de nombreuses autorités pour les faire réagir (la liste est en début d'ouvrage.
Et en effet, l'ONU, rebaptisée pour l'occasion "Boutros Rallye" (du nom de son secrétaire-général d'alors, l'Egyptien Boutros-Ghali) n'a pas le beau rôle dans l'histoire racontée par Hermann. Entre cynisme et indifférence, l'organisation internationale ne semble être là que pour rassurer les médias avec son doigt menaçant pointé vers les forces serbes, métaphore des menaces sans effet. On pourra reprocher ce parti-pris à Hermann tant les moyens d'action de l'ONU, en Yougoslavie come ailleurs, ont toujours dépendu de la volonté des Etats.

Reste que la plongée que nous offre Hermann dans Sarajevo en guerre montre bien l'enfer qu'ont vécu les civils, finalement les principales victimes de ce "jeu" de masacres. L'intrigue nous rappelle l'univers de la série Jeremiah qui fit le succès de l'auteur. Un univers où se croisent le monde du crime, celui du pouvoir, celui des médias. Des figures en émergent, jamais des saints, mais avec un bon fond. L'intrigue nous entraine sur les traces de Zvonko, un ex-légionnaire chargé de ramener en Suisse une petite fille.


L'extrait



Les liens

Les messages du blog qui parlent de la Yougoslavie (un des responsables du siège vient d'être condamné, Milosevic,...).
Des infos sur le site des éditions Dupuis. Une critique virulente de la BD. Un portrait d'Hermann, auteur de la série Jeremiah. Son site officiel.

samedi 8 décembre 2007

Gen, enfant d'Hiroshima

Le livre

Kenji Nakazawa est né en 1939 et vit à Hiroshima, il est mangaka, c'est-à-dire auteur de manga. Il nous livre un récit autobiographique bouleversant sur son histoire et celle de sa famille avec Gen d'Hiroshima (titre original : Gen aux pieds-nus, Hadashi no Gen). Dans le Japon militariste, le père de Gen se distingue par son pacifisme de plus en plus ouvert et de moins en moins supporté par les autorités locales et le voisinage. Il est régulièrement arrêté et battu. Ce "déshonneur" rejaillit sur ses enfants qui subissent toutes sortes de brimades et poussent son ainé à s'engager dans l'armée pour prouver qu'il n'est pas un "fils de traître". Le premier volume n'est fait que des ses malheurs qui accablent la famille Nakaoka, outre la faim et la peur des bombardements qui semblent étrangement épargner Hiroshima. Gen, 6 ans, et son petit frère Shinji, entre survie et occupations habituelles d'enfants de leur âge,

Le premier tome nous fait plonger au coeur de la société japonaise en guerre. C'est l'histoire par en bas et cela ne manque pas d'intérêt, en particulier pour le lecteur occidental peu au fait de la guerre d'Asie-Pacifique. L'éditeur signale judicieusement qu'Einstein n'a pas participé au projet Manhattan ayant abouti à la première bombe atomique.
C'est donc un manifeste pacifiste contre le militarisme du Japon en guerre, mais aussi, évidemment, contre cette arme de destruction sans précédent utilisée par les Etats-Unis.
Les tomes suivants (il y en a 10 en tout...), que je n'ai pas encore lus, évoquent la suite du parcours de Gen dans le Japon sous occupation américaine.

Sur la forme, une fois surmontées les difficultés à lire les bulles et les pages de droite à gauche, on se laisse surprendre par l'univers du manga. Je ne suis pas suffisamment calé sur cet univers pour vous dire si la violence qui le traverse est habituelle (celle de la guerre bien sûr, mais aussi celles de la société japonaise ou du père sur ses fils...). La violence de l'explosion qui clôt le premier volume ressemble à de la science-fiction, ce qu'elle n'est évidemment pas. Kenji Nakazawa , à travers l'évocation de son propre passé par le dessin, nous donne un aperçu saisissant de ce traumatisme pour les corps et les esprits.


L'extrait





[Air traditionnel américain que chante Gen dans le tome 4 pour distraire les soldats américains pendant que d'autres leur volent du lait. Entendu par ailleurs dans le très bon O'Brother des frères Coen]

Les liens

Dans le dossier du mois de décembre 2007, des liens sur l'histoire dans les mangas, notamment sur le révisionnisme qu'on y trouve parfois. Une chronologie interactive de l'Asie orientale aux XIXème et XXème siècles. Des liens sur le Japon.

Une critique sur BDGest. La série a reçu le prix Asie-ACBD 2007.
Un dessin animé a été réalisé dont voici le début (ci-dessous) et même un film. Le dessin animé est disponible en DVD. D'après Fabien Tillon, cette adaptation est plus ambigüe quant la période militariste et le pacifisme du père de Gen y est grandement édulcoré.

Un très bon site pour comprendre les deux bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.



dimanche 30 septembre 2007

Histoire de l'Algérie coloniale

Le livre

Comment comprendre la violence de la Guerre d'Algérie sans connaître celle de la période coloniale. En nous offrant une synthèse sur l'histoire de l'Algérie coloniale, l'historien Benjamin Stora nous donne des clés pour la suite. Lui-même né à Constantine en 1950, il y a grandi dans la communauté juive jusqu'au départ de sa famille en 1962. Son travail d'histoire est précieux tant les mémoires conflictuelles avancent des interprétations conflictuelles. Il montre bien les effets de la colonisation sur la société algérienne et l'impasse dans laquelle elle se trouvait malgré l'optimisme des discours officiels, notamment au moment du centenaire de la conquête en 1930. Les rares tentatives de réforme comme le projet Blum-Violette de 1936 ou le statut de 1947 n'ayant pas été menées à terme, les plus assimilationnistes des Algériens (Fehrat Abbas) vont progressivement ne plus croire en cette France qui ne respecte pas en Algérie les principes républicains. La communauté des Européens d'Algérie, les fameux "Pieds-noirs", très diverse dans sa richesse (souvent inférieure à celle des Français de métropole) et ses origines ne trouve son unité, souligne Stora, que dans une "peur commune de la majorité musulmane" qui la rend sourde à toute évolution.

La Découverte, 124 p., 2004 (1ère édition en 1991)

L'extrait

"Le sport est aussi un moyen privilégié de distraction. Le foot­ball est le sport-roi pour toutes les communautés. On y joue dans la rue, transformée en mini-terrain par les garçons à la sortie de l'école. Au grand désespoir des commerçants soucieux de leurs vitrines et des parents anxieux pour les études de leur progéni­ture. À 12-14 ans, on entre dans les clubs locaux dont on deviendra, à partir de 30 ans, un supporter fanatique. Dans les stades, se mêlent les cris, les clameurs, les disputes à l'égard de l'arbitre, toujours seul responsable de la défaite du club aimé... Mais derrière les joutes footballistiques innocentes se profilent d'autres enjeux, plus sérieux. À partir de 1936, des équipes homogènes se constituent : d'un côté, les équipes euro­péennes, de l'autre, les équipes d'Algériens musulmans, avec leurs maillots vert et blanc. Le football, c'est aussi la fin d'une harmonie provisoire. Les deux communautés se côtoient dans les cafés et les stades. Mais il y a échange et rarement mélange." (p.91)


Les liens

Une biographie de Benjamin Stora et son site, les messages sur la Guerre d'Algérie sur le blog, des liens sur la colonisation et la décolonisation.
Le blog Algérie-France : une histoire commune ? sur lequel vont travailler les élèves de Terminale ES du lycée Malraux et des élèves de Terminale algériens (3°AS).

mardi 13 mars 2007

Petite histoire des colonies françaises

Le livre :

Pour se détendre tout en faisant de l'histoire, voici un conseil de lecture : Petite histoire des colonies françaises qui ne compte pour le moment qu'un tome sur l'Amérique française (le deuxième tome sur l'Afrique et l'Asie devrait sortir cette année). Le graphisme et l'approche sont originaux et... légèrement décalés (de Gaulle en narrateur...). Cette B.D. de peut se lire à plusieurs degrés, en tout cas pas au premier !



Voici la critique qu'en a fait Télérama (n° 2953 - 19 Août 2006) :
"On attendait des iconoclastes auteurs d’une savoureuse Petite Histoire du grand Texas (même éditeur) qu’ils donnent une version décapante de la colonisation française. Ils font mouche avec ce premier tome, consacré à la conquête de l’Amérique, autant dire à la séculaire discorde franco-anglaise, avec complots, massacres et autres coups fourrés dont les autochtones font évidemment les frais.
Le décalage entre la relation précise des faits et leur traduction graphique drôlement minimaliste crée un burlesque détonant. Un salubre mauvais esprit saupoudré d’humour noir fait le reste : un nettoyage par le vide des tabous et légendes sur le sujet".
Jean-Claude Loiseau

Ed. FLBLB, 128 p., 13 €.

L'extrait :

"Les Iroquois menaient une guerre sans merci aux Hurons, peuple paisible que la vue d'un papillon pris dans une toile d'araignée jetait dans une profonde mélancolie. Le 29 juillet 1609, Champlain prit le parti des Hurons et livra à Ticonderoga une bataille contre les Iroquois avec qui il devait se brouiller à jamais. Mais qu'auriez-vous fait à sa place ? La musique des Hurons était douce et s'écoutait en fumant le calumet. La musique des Iroquois était violente et s'écoutait en se barbouillant... "

Les liens :

Vous pouvez, en intégralité, feuilleter la BD, voir le dossier de presse. A signaler des mêmes auteurs, Otto T et Grégory Jarry, une Petite histoire du Grand Texas.

Sur ce blog, retrouvez tous les messages qui parlent de la colonisation et des liens sur colonisation-décolonisation. Des sites remarquables abordent le passé colonial de la France en Amérique.


vendredi 23 février 2007

Comprendre la puissance des Etats-Unis

J'aime beaucoup la collection des Atlas des éditions Autrement. La plupart des ouvrages sont aujourd'hui à un prix abordable ce qui n'a pas toujours été le cas. Signalons, parus récemment, un Atlas des esclavages par Marcel Dorigny et Bernard Gainot et un Atlas de l'Amérique latine par Olivier Dabène.

Le livre :

L'Atlas établi par Gérard Dorel avec l'aide de Madeleine Benoît-Guyod pour les cartes est un outil essentiel pour comprendre la puissance des Etats-Unis mais aussi ses limites. Les différents aspects de la puissance sont abordés et les différentes échelles auxquelles elle s'exerce, celle du monde bien sûr mais aussi celle des différents continents. Vous y trouverez également des cartes sur les effets de cette puissance sur le territoire américain (Etats où se portent les IDE, p. 35, sièges sociaux des grandes compagnies, p. 33, Etats accueillant le plus d'immigrants, p. 53, etc.). Pour les limites, l'importance et la géographie des déficits (commercial et budgétaire) permettent de se rendre compte de la fragilité des Etats-Unis. Gérard Dorel propose pour finir une carte de l'américanophobie dans le monde, pas la plus réussie, mais sans doute la plus difficile à établir.

L'extrait :

"Il n'y a pas sur cette planète d'autre pôle de puissance complète que celui des Etats-Unis et les difficultés des autres nations susceptibles de prétendre à ce statut -le Japon, l'Allemagne, la Chine- montrent bien que la puissance américaine demeure quasiment incontestée et en tout cas durable. (...) Les Etats-Unis apparaissent comme une "République impériale" d'un genre très diférent de celui des grandes puissances d'autrefois assises sur un territoire immense, conquis par la force." (p. 8)

Les liens :

- Le dossier sur la puissance américaine qui permet (pour mes élèves) d'accéder à quelques unes des cartes de cet atlas et d'autres en accès libre.
- Les messages du blog sur les Etats-Unis et d'autres liens.


Pourquoi l'Allemagne ?

Le livre :

Philippe Burrin, professeur d'histoire à Genève, dans un petit livre très stimulant, tente de répondre à cette question. Son essai sur l'antisémitisme nazi a pour titre : Ressentiment et apocalypse. Au-delà du comment sur lequel travaillent beaucoup d'historiens, il s'attache au pourquoi.
- "Pourquoi l'Allemagne fut-elle le lieu de la tragédie, alors que l'aversion, au minimum, et l'hostilité envers les juifs, souvent, étaient répandues en Europe ? "
- "Pourquoi le préjugé antijuif est-il devenu, après 1933, une sorte de norme dans la société allemande, permettant au régime nazi, dont l'antisémitisme était bien plus radical que celui de la population, de mener sa politique sans rencontrer d'obstacle sérieux ?"
- Et enfin "pourquoi est-on allé, en définitive, jusqu'au massacre, alors que d'autres solutions étaient envisageables et furent d'ailleurs appliquées ou examinées, d'un système d'apartheid à l'émigration forcée ou à la concentration sur un territoire périphérique ?"

Philippe Burrin donne des éléments de réponse à travers trois conférences données au Collège de France en 2003 qui font la substance de ce livre. Dans un remarquable effort de synthèse et de réflexion, il livre un essai riche et captivant. Bien sûr, le lecteur n'en a pas pour autant des réponses définitives qui lui permettraient de passer à autre chose, mais au contraire l'envie d'approfondir tel ou tel aspect. L'auteur met en évidence les mécanismes qui ont conduit au Génocide des juifs d'Europe tout en montrant qu'il n'avait rien d'inéluctable. Ils s'est agit d'une réponse à la crise de l'identité allemande dans la première moitié du XXème siècle.

L'extrait :

"Que font, en effet, les antisémites ? Ils construisent à partir d'éléments de la réalité des représentations déformantes et magnifiantes qui leur permettent de tracer des frontières d'identité entre les juifs et eux, de souligner par la différence et le contraste, voire par l'opposition intégrale, leurs propres valeurs et ainsi de conforter ou, parfois, de redéfinir leur identité." (p. 18)

Les liens :

- Un comptre-rendu de l'ouvrage, celui de François Delpla.
- L'article sur Philippe Burrin dans Wikipedia

Philippe Burrin, Ressentiment et apocalypse. Essai sur l'antisémitisme nazi , Paris, Seuil, 2004