Des livres, des films, des émissions, des musiques, de l'art pour apprendre et comprendre le monde

Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

Rendez-vous tout de suite sur Samarra !

jeudi 28 février 2008

La seconde guerre mondiale en chansons (françaises) 1.


Hitler pose devant la tour Eiffel, juin 1940.


La chanson française de la seconde moitié du XXème siècle s'est intéressée à de nombreuses reprises à la "France des années noires". Revenons ici sur quelques titres connus qui évoquent différents aspects du conflit et donnent aussi à voir les représentations que l'on s'en ait fait longtemps après les faits. Ce premier volet s'intéresse aux années de guerre:

* La défaite et l'arrivée des Allemands:

- Serge Reggiani: "Les loups".

Les loups chantés ici par Reggiani ne sont autres que les troupes allemandes qui pénètrent dans Paris le 14 juin 1940 (il ne quitteront la ville qu'en août 1944). Pendant quatre ans, les troupes d'occupation vivent sur le pays et administrent directement la Ville Lumière.

Les loups ououh! ououououh! / Les loups ont envahi Paris / Soit par Issy, soit par Ivry / Les loups ont envahi Paris [...]

Attirés par l'odeur du sang / Il en vint des mille et des cents
Faire carouss', liesse et bombance / Dans ce foutu pays de France
Jusqu'à c'que les hommes aient retrouvé / L'amour et la fraternité.... alors

Les loups ououh! ououououh! / Les loups sont sortis de Paris
Soit par Issy, soit par Ivry / Les loups sont sortis de Paris
Tu peux sourire, charmante Elvire/ Les loups sont sortis de Paris
J'aime ton rire, charmante Elvire / Les loups sont sortis de Paris...

free music


* Le régime de Vichy et le culte de la personnalité autour de la figure du maréchal Pétain.



- "Maréchal nous voilà!"

" Maréchal, nous voilà! / devant toi le sauveur de la France,
nous jurons, nous, tes gars / de servir et de suivre tes pas."

Traumatisée par la plus grande défaite de son histoire, la France, après avoir signé l'armistice le 22 juin 1940, s'en remet aux mains du vainqueur de Verdun, le maréchal Pétain. Ce veillard rassure la population et il bénéficie d'une très grande popularité tout au long du conflit. Devenu le chef de l'Etat français, il engage le pays dans une politique de collaboration avec l'Allemagne nazie et met en place un régime autoritaire dont la devise "travail, famille, patrie" remplace la trilogie républicaine "liberté, égalité, fraternité".
Cette chanson fait presque figure d'hymne officiel du régime de Vichy. Cette bluette célèbre de manière particulièrement niaise les mérites du chef vénéré.

* Le régime de Vichy fustige l'esprit de jouissance, qui expliquerait d'après Pétain, la défaite de 1940 (oubliant un peu vite que la stratégie défensive adoptée par l'état-major a pesé bien peu face à la "guerre-éclair" de l'adversaire). La société française doit donc se plier au conformisme vichyste. Rares sont ceux qui remettent en cause cet état de fait. Néanmoins, quelques jeunes adoptent la mode zazoue.


Un jeune zazou sur le point d'être tondu par un milicien.

Adeptes du swing, les garçons optent pour les cheveux longs, les pantalons larges, les filles arborent des jupes courtes. Ils résistent ainsi, à leur manière, à l'emprise culturelle vichyste et son "oeuvre de redressement national". La milice traque bientôt cette jeunesse qui ne rentre pas dans le moule. Les garçons sont rasés, certains sont même envoyés au STO.
L'Oeuvre, journal collaborationniste affirme, péremptoire, en 1942:
" Etre swing, c'est ne prendre aucune chose au sérieux, ne rien faire comme les autres [...], être immoral".

- Brigitte Fontaine:"Zazou".
Brigitte Fontaine reprend ici de manière irrésistible un vieux titre de 1943.

free music


* Rares sont les chansons qui reviennent sur la déportation.




Déportés rescapés du camp de Buchenwald, en avril 1945.

- Jean Ferrat:"Nuit et brouillard".

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

Avec ce titre enregistré en 1963, Jean Ferrat évoque une des pages les plus sombres de la Seconde guerre mondiale puisqu'il décrit ici la déportation vers les camps de concentration (ou d'extermination). Ici, les paroles ne permettent pas de distinguer "déportés politiques", "déportés raciaux" ou autres. Jusqu'aux années 1970, en effet, la spécificité de la Shoah n'est pas vraiment perçue et les camps d'extermination souvent confondus avec les camps de concentration.

Le titre de la chanson fait référence au décret pris par les nazis qui vise à éliminer tous ceux qui constituent un danger pour l'Allemagne hitlérienne. L'identité des victimes de cette traque doit être effacée, d'où la référence à l'obscurité qui doit envelopper les individus éliminés, destinés à sombrer dans l'oubli.

free music


* Quelques chansons célèbrent "l'armée des ombres".


Poste-radio de résistants.

- La tordue: "la rose et le réséda".

Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles / Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel/ Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle / La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle / L'autre tombe qui mourra

free music


La Rose et le Réséda est un poème de Louis Aragon, publié en décembre 1944 au sein du recueil "La Diane Française", dont le thème est la résistance sous l'Occupation. Il ajoute alors une dédicace à quatre résistants : Guy Môquet, Gabriel Péri, Honoré d'Estienne d'Orves et Gilbert Dru, soit deux communistes (la rose) et deux chrétiens (le réséda). En effet, à traver ce titre, Aragon célèbre la diversité des résistants, tous mus par une même volonté: restaurer la liberté.




Anna Marly.

- Anna Marly: "Le chant des partisans".

Le Chant des partisans est l'hymne de la Résistance française durant l'occupation allemande, pendant la Seconde Guerre mondiale. Joseph Kessel et son neveu, Maurice Druon, ont quitté la France pour rejoindre l'Angleterre et les Forces françaises libres du Général de Gaulle. A partir d'une ébauche de chanson d'Anna Marly, ils récrivirent les paroles très rapidement. Aussitôt le chant remporte l'adhésion de l'auditoire.

L'engagement résistant y est magnifié. Les auteurs soulignent avec justesse à quel point le choix de la lutte est lourd de conséquence, la mort étant souvent au bout des combats.

Ami, entends-tu le vol des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne,
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
Ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
Ohé les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite.
Ohé saboteur, attention à ton fardeau dynamite...

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-Leonard Cohen:"the partisan" (1969).


Leonard Cohen.

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Cette chanson interprétée par Leonard Cohen est une adaptation de la "COMPLAINTE DU PARTISAN", écrite à Londres en 1943 par Emmanuel d'Astier de la Vigerie (surnommé "Bernard" dans l'armée des ombres") et Anna Marly pour la musique.
La version de Cohen date de 1969 et figure sur l'exceptionnel album "Songs from a room". Il intitule son titre "the partisan", parfois appelé aussi "the song of the french partisan". Il mêle ici la version anglophone de Hy Zaret à quelques vers originaux, chantés directement en français.

J'ai changé cent fois de nom / J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis / J'ai la France entiere.
Un vieil homme dans un grenier / Pour la nuit nous a cachés
Les Allemands l'ont pris / Il est mort sans surprise.

Oh, the wind, the wind is blowing / Through the graves the wind is blowing
Freedom soon will come / Then we'll come from the shadows."


- "L'affiche rouge".



L'Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée à Paris au printemps 1944, pendant l'occupation nazie. Elle fut tirée à 15 000 exemplaires. Le réseau Manouchian était constitué de 23 résistants communistes, dont 20 sont étrangers (des espagnols, des Italiens antifascistes, des Arméniens, des Juifs ayant échappé à la rafle du Vel'd'Hiv' de 1942. Le chef du réseau, l'Arménien Missak Manouchian faisait partie des mouvements de Résistance communiste et était le responsable des FTP MOI (Francs-tireurs et partisans - Main d'œuvre immigrée) de la région parisienne.

Arrêtés par les nazis, les 22 hommes seront fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien, tandis qu'Olga Bancic sera guillotinée le 10 mai de la même année à Stuttgart, une loi française interdisant alors de fusiller les femmes.

En recouvrant les murs de France de cette affiche, les Allemands stigmatisent l'origine étrangère de la majorité des membres du groupe.

Louis Aragon écrivit en 1955 un poème, "Strophes pour se souvenir", qui a été mis en musique en 1959 par Léo Ferré.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes / Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang / Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

free music



Source principale:

- P. et J.P. Saka (dir):"L'histoire de France en chansons", Larousse, 2004.

lundi 25 février 2008

Les déserteurs du Vietnam


Dans l'émission les mercredis de l'histoire sur Arte cette semaine, un documentaire est consacré aux déserteurs pendant la guerre du Vietnam :

"La guerre du Viêt-nam a été contestée, au sein même de l'armée américaine, par des milliers de soldats. Histoire d'un mouvement oublié, par la voix de quelques-uns de ces vétérans insoumis."

Pour en savoir plus sur ce programme diffusé mercredi 27 à 21h50, vous pouvez allez sur le site de l'émission.
Retrouvez l'article de J. Blottière sur les chansons anti-guerre.

samedi 23 février 2008

juin 1967: le festival de Monterey et l'apogée du rock psychédélique.



Jimi Hendrix immole sa guitare lors de son concert à Monterey.

Depuis 1965, le quartier d’Haight-Ashbury à San Francisco est devenu un centre d’attraction essentiel. Des milliers de jeunes américains, en rupture avec les valeurs de leurs parents, affluent dans ce quartier. Ils rejettent la société consumériste qui domine dans tous les pays capitalistes, dénoncent l’impérialisme américain, à commencer par l’intervention au Vietnam, de plus en plus massive. Ils aspirent à d’autres choses et veulent connaître de nouveaux horizons. A ce titre, les voyages sont célébrés :


* voyages vers l’Asie, dont les civilisations et les valeurs spirituelles ancestrales fascinent. Nombreux sont les jeunes occidentaux à tenter le voyage en Inde ou au Népal. En 1968, les Beatles se rendent en Inde afin d'apprendre la méditation transcendantale auprès du Maharishi Mahesh Yogi.


* voyages intérieurs aussi grâce à la consommation de substances hallucinogènes capables d’altérer la conscience et les perceptions, notamment le LSD. Le message est clair, « everybody must get stoned » (« tout le monde doit se défoncer ») comme l’ordonne Dylan. De fait, lors des rassemblements de hippies, une grande partie de l’assistance se trouve sous LSD (trip).



Affiche du festival.

* voyages sonores enfin. Le rock psychédélisme ambitionne, à son tour, de faire planer l’auditoire en utilisant toutes les possibilités offertes par l’électrification des instruments, mais en recourant aussi aux jeux d’ombres et de lumières sur scène (light show). Le bien nommé acid rock, en plein essor, se caractérise ainsi par :

- la longueur des morceaux, qui s’affranchissent du cadre étriqué de la chanson rock standard, qui excède rarement les trois minutes (en lien aussi avec le format 45 tours). Les titres du Grateful Dead, par exemple, s’épanouissent souvent au-delà des vingt minutes, particulièrement sur scène où ils se lancent dans de riches improvisations.



George Harrison et Ravi Shankar.

- l’utilisation d’instruments rares ou exotiques : sitars et tablas indiens (le guitariste des Beatles George Harrison fait de nombreux émules en utilisant le sitar dont il apprend à jouer auprès de Ravi Shankar), cruche utilisée par le Thirteen Floor Elevators.

- saturation des instruments, qui permet l’altération des sons, la distorsion, recours à la pédale wah wah ou au fuzz. La perception des notes est modifiée comme la conscience lors d’un trip. Tout ce tient… Hendrix utilise constamment ces procédés afin de produire des sons évocateurs (son morceau Machine gun où on croit entendre des crépitements d’armes).




Grace Slick et Janis Joplin.


Les « enfants fleurs » se réunissent bientôt pour écouter les groupes d’acid rock. En janvier 1967, 30 000 spectateurs protestent dans le Golden Gate Park de San Francisco contre la récente interdiction du LSD et écoutent à cette occasion Janis Joplin, Grateful Dead ou encore le Quicksilver Messenger Service. Lors de ces « Human be-in », les participants doivent se libérer et repousser toute forme d’inhibition (amour libre, consommation de drogues et de produits macrobiotiques).


Le festival pop de Monterey, en juin 1967, constitue le premier véritable festival de musique tel qu’on les conçoit aujourd’hui avec une billetterie, la vente de produits dérivés (alimentation macrobiotique à l’époque, achat de fripes) et la succession des groupes sur scène.



Pour les observateurs de l’époque, deux ans avant Woodstock, ce festival de Monterey s’avère bien supérieur musicalement au premier, malgré une notoriété moindre. Pendant trois jours, du 16 au 18 juin 1967, il réunit 40 000 personnes dans un champ à 180 km au sud de San Francisco. Les images de Pennebaker, qui filme le festival, révèlent une atmosphère bon enfant entre les participants, souvent défoncés à l’acide.


Le producteur et un des membres du groupe californien des Mama’s and the Papa’s sont à l’origine du projet, organisé pour aider des associations caritatives. Il n’en coûte qu’un dollar pour écouter de la musique debout. L’affiche rassemble de nombreux groupes phares du moment : les Mama’s and the Papa’s bien sûr ; les folkeux Simon and Garfunkel ; le sitariste indien Ravi Shankar, seul musicien payé, qui demande à une assistance médusée de ne pas fumer pendant ses 3heures de raga ; les Who qui fracassent leurs instruments sur scène au grand dam du public ; le Canned Heat et les Byrds, tous deux dans un jour sans ; Scott Mckenzie, auteur de l’hymne hippie « San Francisco ».

Jefferson Airplane - Today (Monterey 1967)
Vidéo envoyée par baltanar


Le Jefferson Airplane à Monterey.

Surtout, le festival consacre le triomphe du Frisco sound, la scène rock psychédélique de San Francisco en plein essor, avec la présence de quatre groupes phares :

- Country Joe and the Fish menés par le “hippie rouge” Country Joe. Ce provocateur né, qui fait scander FUCK aux foules présentes à Woodstock, afin de protester contre l’envoi toujours plus massif de GI’s au Vietnam, doit son surnom à Joseph Staline. En effet, les Américains surnommait ce dernier "country Joe" durant la seconde guerre mondiale. Il milite très tôt dans les milieux contestataires de Berkeley et Oakland. On lui doit une des chansons les plus caustiques sur la guerre du Vietnam: "I feel like i'm fixin' to die rag".

- Le Grateful Dead (« Le mort reconnaissant ») de Jerry Garcia qui se lance dans des improvisations planantes qui subjuguent l’auditoire. Groupe emblématique de cette période qui est de tous les grands festivals, dans lesquels il joue généralement gratuitement et presque toujours dans un état second.

- Le Jefferson Airplane (le nom désigne des allumettes en carton destinées à allumer des joints), auteur d’un White rabbit d’anthologie, compte rendu musical d’un trip digne d’ « Alice au pays des merveilles » de Carroll. Tandis que Somebody to love reste un de leurs plus grands succès.

La chanteuse du groupe, Grace Slick, s'impose rapidement comme la figure clef de la bande. Engagée, elle se noircit le visage pour marquer son soutien aux Noirs du sud des EU toujours victimes de discriminations. Provocatrice, elle n'hésite pas à chanter torse nu et à proférer des obscénités sur scène, comportements inadmissibles dans une Amérique toujours très puritaine.

Lors du festival, elle crève l'écran. Pennebaker, le réalisateur du film sur le festival, braque presque exclusivement sa caméra sur Slick, ce qui suscite des tensions ausein du groupe.
Quoi qu'il en soit, l'Airplane reste incontestablement un groupe phare du Frisco sound.

Janis Joplin - Ball and Chain
Vidéo envoyée par Funkadelika


Le ball and chain déchirant de Janis Joplin à Monterey.

- Enfin, le Big Brother and the Holding company mené par Janis Joplin, une jeune texane écorchée vive qui hurle le blues et entre en communion avec le public auquel elle se livre totalement, comme l’atteste le Ball and Chain d’exception qu’elle interprète à Monterey. La prestation de Joplin représente un des sommets du rassemblement.

L'audience du Big Brother et de sa chanteuse reste plutôt confidentiel. Ils ne font pas partie des stars et ne sont programmés le samedi après-midi. Le concert remporte un immense succès et le groupe se voit proposer un second concert, le dimanche soir, en clôture du festival. C'est ce concert qui est filmé par Pennebaker. Moins réussi que le précédent, il prouve cependant à quel point Janis constitue la clef de voûte de la formation.
Sur scène, elle donne le meilleur d'elle même sur scène. Complètement libérée, elle se livre totalement au public, s'abandonne à lui.


Hendrix à Monterey - sacrifice de la guitare
Vidéo envoyée par nikkojazz


Hendrix dans ses oeuvres: wild thing en l'occurence..

Deux autres quasi-inconnus (en tout cas pour un public blanc californien) sont consacrés à Monterey.

- Jimie Hendrix, un guitariste originaire de Seattle, est parfait inconnu dans son pays. Brian Jones des rolling stones l'introduit sur scène par ces mots: "le guitariste le plus excitant que j'aie jamais vu.

D'emblée, il livre une leçon de guitare. Sa présence magnétique captive le public. Il tire de sa guitare des sons inconnus jusqu'alors, maîtrisant distorsions et larsens. Il joue au dessus de sa tête, dans son dos, avec ses dents et ermine son show en embrasant sa guitare stratocaster, avant de la fracasser. Le public, médusé, se souviendra longtemps de ce concert inouï.

- Otis Redding, l'immense soulman de l'écurie STAX de Memphis, livre un concert remarquable, dont l’énergie se communique à un public déchaîné, peu habitué aux sonorités chaudes de la soul sudiste. Après cette prestation Redding pense avoir conquis ce public blanc qui le boudait jusque là. De fait, il remportera un immense succès avec son Sittin on the dock of the bay, mais un succès posthume, puisqu'il trouve la mort avec son groupe, les Bar-Kays, dans un accident d'avion.

Otis Redding - Shake à monterey
Vidéo envoyée par moriganne


Big O, une des trois grandes révélations du festival.

Au bout du compte, le festival est une grande réussite en plein Summer of love. Succès commercial, artistique, le festival ouvre une longue série d'autres rassemblements musicaux. Il place sur la carte du rock deux figures centrales qui accèdent au rang de mythe: Janis Joplin et Jimie Hendrix. Les excès et le désenchantement n'ont pas encore atteint le mouvement qui se délitera deux ans plus tard.



Sources:- La série Summer of love dans les archives du Monde 2, notamment le troisième épisode consacré au festival de Monterey (le Monde daté du 14 juillet 2007).
- Le formidable "Protest song_ la chanson protestataire dans l'Amérique des Sixties" d'Yves Delmas et Charles Gancel, éditions Textuel, 2005.

vendredi 22 février 2008

Rendez-vous avec X

Tous les samedis de 13h20 à 14 h sur France Inter, le journaliste Patrick Pesnot reçoit les confidences d’un bien étrange personnage surnommé Mr X.

Qui est Mr X ? Si on en croit sa « légende » (surnom donné aux identités fictives qui permettent aux espions de se faire passer pour d’autres), cet homme de l’ombre serait un ancien membre des services secrets français, qui, de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 90 aurait été le témoin des affaires les plus étranges de la seconde moitié du XXème siècle.

Depuis maintenant 11 ans, Mr X distille, avec un art consommé du suspens, ses révélations sur les grands mystères de ces 50 dernières années. Des affrontements secrets mais bien réels de la guerre froide aux errements de la décolonisation et de la coopération post-coloniale, des scandales politico-financiers qui émaillèrent la vie politique française aux coups tordus auxquels se livrent tous les services secrets du monde, il nous tient en haleine par une chaude voix de basse et un véritable sens littéraire du récit.

Bien sûr, tout cela n’est que de la mise en scène, il est hautement improbable que Mr X existe réellement et qu’à près de 90 ans, (d’après sa bio, il aurait commencé sa carrière dans l’armée à la fin des années 30) il puisse chaque semaine être à ce point capable à lui tout seul de nous offrir un point complet à la fois clair et parfaitement écrit sur des affaires qui se sont déroulées aux quatre coins du monde.

Patrick Pesnot qui a une longue carrière à la fois de journaliste et d’historien a probablement des sources dans le milieu du renseignement. Il se livre à un véritable travail d’investigation. Ses hypothèses même quand elles remettent en cause des « vérités officielles » sont parfaitement étayées et bien présentées comme telles, sans sombrer dans un conspirationisme idiot. Pour ceux qui suivent l’émission depuis 1997, beaucoup de ses théses ont été confirmées par les événements tels que l’implication du pouvoir algérien dans les attentats du GIA en France ou comment Khadafi a négocié secrètement son passage d’ennemi public numéro 1 de l’Occident à meilleur allié régional de la lutte anti-islamiste.

Plusieurs livres compilant des entretiens sont déjà parus et sont en cours de réédition. De même que des CD sur des sujets aussi divers que la guerre de Bosnie ou la révolution portugaise des œillets, la longue carrière de Klaus Barbie ou l’assassinat de Kennedy. Dernièrement deux nouveaux ouvrages viennent de sortir sur le terrorisme islamiste et les morts suspectes de la Veme république.


Je vous renvoie au site de France Inter qui permet de réécouter quelques unes des dernières émissions.

jeudi 21 février 2008

Hippies et summer of love.


Hippies lors du festival de Woodstock.

Le mouvement hippie se développe approximativement de 1965 à 1969. Ces jeunes sont les héritiers de la beat generation, un mouvement en révolte contre le système et la société de consommation américaine des années 1950. D’ailleurs le livre de Jack Kerouac « Sur la route » devient le livre culte pour toute une génération en rupture avec l’idéologie dominante. La jeunesse s’identifie alors à la vie de bohème et prend la route. Les hippies doivent ainsi beaucoup à ces beatniks.


Les hippies veulent rompre avec la société et leurs familles. Nés au lendemain de la guerre et souvent issus des classes moyennes et aisées, les hippies rejettent ainsi les valeurs de leurs parents.

* Que souhaitent-ils ?

S’ils ne parviennent pas à changer la société, ils souhaitent en tout cas s’en échapper. Ils veulent bâtir un monde nouveau fondé sur les valeurs d’amour, de paix et de partage.


Make love, not war.

- Ils multiplient les manifestations contre la guerre du Vietnam et ne jurent que par la non-violence. L’ère du « Flower power » est ouverte, les armes doivent céder la place aux fleurs, dans un monde redevenu pacifique.


Groupe de hippies en pleine méditation

- Ils vivent en communautés, souvent dirigées par un mentor ou gourou, et s’adonnent à la méditation, ils opposent l’expérience spirituelle au matérialisme. Les philosophies ou religions orientales (bouddhisme, zen, mantra, yoga) sont alors en vogue. L’Orient fascine, car il serait porteur de sagesse et d’une vraie spiritualité, aussi des milliers de jeunes se rendent alors en Inde ou au Népal (route de la drogue).

Les hippies souhaitent engager une vraie libération sexuelle.

- Pour les hippies, la sexualité doit s’affranchir de la morale puritaine. La notion de péché est mise au placard. Le sexe, débarrassé de ses entraves, devient un mode de communication, d’expression. De fait, on assiste à une vraie libération sexuelle (permise aussi par la diffusion de la pilule). Les hippies se dénudent et sont fiers de leurs corps. La notion de partage vaut aussi en matière sexuelle (Love-in). Cette quête d’une « révolution sexuelle » s’inspire des ouvrages du psychanalyste W. Reich, mais aussi d’H. Marcuse, autre grande figure hédoniste et contestataire, auteur d’ « Eros et civilisation ». Pour eux, seule une sexualité épanouie, jouissive, permet d’échapper aux névroses et au malheur.


Affiche de concert.

* Le psychédélisme est alors la grande affaire de l’époque.
Etymologiquement, le terme signifie « révélateur d’âme ». Le terme psychédélique désigne un état psychique altéré par des hallucinogènes (le LSD par exemple), comportant des hallucinations et une exacerbation des sensations. Tous les moyens permettant d’ouvrir le plus large possible les « portes de la perception » sont les bienvenus : les lumières et couleur, les voyages et surtout les drogues. En effet, la consommation de drogues hallucinogènes facilite le voyage intérieur et ouvre la conscience à des perceptions exacerbées.



Affiche du festival de Woodstock en 1969.

- La musique rock constitue un vecteur privilégié pour ce mouvement hippie. De gigantesques festivals musicaux rassemblent des dizaines de milliers d'Américains venus écouter les groupes phares de l'acid-rock ou rock psychédélique (Monterey, Woodstock, Altamont).


Dessins du génial Crumb.

Le mode de vie prôné par la devise de Timothy Leary, surnommé le pape du LSD (acide lysergique), « Turn on, tune in, Drop out », « Branche toi (aux événements), Accorde-toi (aux vibrations ambiantes), Laisse tout tomber », résume bien les attentes des hippies.

* Le Summer of Love (été 1967), point d’orgue du mouvement.


Affiche ommémorative du Summer of love.


Le mouvement, d’abord très marginal, enfle rapidement et à pour épicentre la côte ouest des Etats-Unis, notamment le quartier d’Aight Ashbury de San Francisco (vite surnommé Hashbury). Courant 1967, des milliers de jeunes convergent vers le quartier. Des jeunes qui fuient leurs maisons, leurs parents et les valeurs de ces derniers, qu’ils jugent étriquées. Ils vivent en communautés, se rassemblent par milliers dans les parcs.



Allen Ginsberg lors d'un Human Be-in.

Ces hippies arborent des tenues bariolées, cheveux longs flottants au vent. Ils se rassemblent par dizaine de milliers dans des Human Be-in, de grands rassemblements festifs et musicaux dans lesquels ils peuvent s’adonner à leurs passions (méditation, amour libre, écologisme, pacifisme, consommation de substances hallucinogènes). Tous entendent libérer leurs esprits des contraintes matérielles qui les étouffent.

Des foules immenses se rassemblent lors des festivals de musique.

Durant tout l'été 1967, lors de grands rassemblements, les jeunes vivent au rythme de la devise "sex, drogs and rock'n'roll". Très vite, la situation se gâte, le quartier n'attire plus seulement les hippies, mais aussi des touristes qui photographient cette faune hirsute. Certains repèrent vite le bon filon et récupèrent ce mouvement hostile au capitalisme triomphant. D’ailleurs en octobre, les hippies organisent l’enterrement du mouvement sur les hauteurs de San Francisco.


L'enterrement symbolique du mouvement hippie.


* La fête est finie.


Charles Manson et sa "family".

Le mouvement se prolonge néanmoins jusqu’en 1969. La pression policière se fait de plus en plus forte. La consommation de LSD devient illégale en octobre 1966, les arrestations se multiplient.

Rapidement la situation se dégrade: l'héroïne remplace l'acide, l'amour libre se transforme parfois en viol collectif et les violences (pas nécessairement liées directement au mouvement) se multiplient. Ainsi, un certain Charles Manson se découvre une vocation de gourou. Il recrute un groupe d'adeptes qui lui obéit aveuglémént. Le 9 août 1969, cette "Mansion family" tue 5 personnes dans une villa d'Hollywood, dont la jeune actrice Sharon Tate, enceinte de 8mois. Au lendemain du massacre, les Californiens se barricadent dans leurs villas.

Lors du concert des Rolling Stones au festival d'Altamont en décembre 1969, un membre des Hell's Angels assassine un Afro-Américain. C'en est fini de l'insouciance des cinq dernières années, la fin des sixties.

Qu'écoutait-on à l'époque?

* De nombreux titres célèbrent les mérites des substances hallucinogènes et décrivent leurs effets sur l'esprit et l'organsime.
- Le Sunshine superman de Donovan et le Good day sunshine des Beatles font référence au LSD autrement appelé Sunshine.

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- Les paroles de Purple haze d'Hendrix évoquent aussi la consommation de drogue:
"une brume mauve dans ma tête / désormais les choses ne sont plus les mêmes / je me comporte bizarrement, mais je ne sais pas pourquoi,/ [...] je ne sais si je monte ou si je redescends / suis-je heureux ou malheureux?"

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- White rabbit du Jefferson Airplane conte l'épopée d'une Alice des temps modernes, en plein trip:
"quand les types sur l'échiquier / se lèvent et te disent où aller / et que tu viens de prendre une sorte de champignon / que ton esprit fonctionne lentement / va demander à Alice / je pense qu'lle saura."

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- Les intiales du Lucy in the sky with diamonds des Beatles font référence au LSD.

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- Enfin, le titre de Dylan, "Everybody must get stoned" (tout le monde doit se défoncer) est suffisamment explicite pour que l'on y revienne.

* Le titre un rien niaiseux de Scott Mckenzie, "San Francisco (be sure to wear some flowers in your hair)", célèbre San Francisco, épicentre du mouvement hippie:
" Si tu vas à San Francisco / prends de soin de porter des fleurs dans tes cheveux / Si tu vas à San Francisco / tu y rencontreras des gens très doux..."

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* Le titre For what it's worth du Buffalo Springfield revient sur la répression des manifestations étudiantes par la police:

"Quelque chose de bizarre se prépare / mais je ne sais pas quoi / il ya untype armé là bas / qui me met en garde / je crois qu'il vaudrait mieux arrêter les enfants /
Eh! C'est quoi ce boucan / tout le monde regarde ce merdier / il y a des lignes de front qui se dessinent / personne n'a raison si tout le monde a tort / les jeunes qui s'expriment rencontrent tant de résistances du passé".

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On peut sans doute y voir une référence au Free speech Movement. De 1964 à 1968 ce mouvement étudiant parti de l'université californienne de Berkeley entend défendre la liberté d'expression des étudiants. Or, les autorités universitaires se montrent souvent réticente aux prises de paroles de la jeunesse contestataire sur les campus. Elle n'hésite pas à solliciter à l'occasion les forces de l'ordre pour faire cesser les manifestations.

Sources:
- La série Summer of love dans les archives du Monde 2 tout au long de l'été 2007.
- Le formidable "Protest song_ la chanson protestataire dans l'Amérique des Sixties" d'Yves Delmas et Charles Gancel, éditions Textuel, 2005.
- André Kaspi:"Etats-Unis 1968. L’année des contestations". Editions Complexe, 1988.
- Howard Zinn:"Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours", Agone, 2002.

Liens:
- La contestation étudiante contre la guerre du Vietnam.
Un travail réalisé par Pascal Knipiler et Jeremy Ferrand (TL) sur le blog de M. Tiboulloy.
- 1967: le festival de Monterey et l’apogée du rock psychédélique sur bricabraque.

lundi 18 février 2008

JUNO, une image des Etats-Unis différente


Voilà un film qui tranche avec une grande partie de la production américaine qui traverse l'Atlantique et qui envahit habituellement nos salles obscures. Ce film raconte la grossesse d'une adolescente, Juno sans tenter de nous asséner une morale religieuse ou bourgeoise particulière. Rien que pour cela, il mérite déjà d'être vu ! Le réalisateur Jason Reitman (dont le 1er film a été aussi un succès Thank You for smoking, pamphlet contre l'industrie du tabac) suit au plus près les espoirs et les désillusions de cette gamine qui résiste plutôt bien à ce qui pourrait être un drame dans l'Amérique puritaine.
Dans un premier temps, Juno souhaite avorter mais les manifestations ridicules devant le planning familiale et le manque d'humanité de l'institution font fuir la gamine apeurée. En cela, je pense que le film est un véritable témoignage de ce que la plus grande majorité des Etatsuniens pensent de l'avortement. (Ce n'est pas pour rien que la plupart des candidats à la présidentielle s'expriment contre l'avortement ou défendent mollement ce droit). Son père, un ouvrier sympathique et sa belle-mère l'assistent dans cette épreuve et l'aident à trouver une famille d'adoption pour le petit.


Voici la bande annonce




Juno réussit finalement à trouver une famille d'accueil. Un jeune couple aisé, vivant dans une Gated community reçoit la famille un peu prolo de Juno afin de signer un contrat d'adoption. La scène est drôle, Juno est spontanée parfois un peu grossière et choque la mère adoptive. Sans trop forcer le trait sur le fossé existant entre les classes sociales, le réalisateur nous montre une Amérique plurielle.
Heureusement, la fin ressemble à un happy end, doux amer. Elle abandonne son bébé et reprend sa vie d'ado atypique. Juno tombe amoureuse de l'adolescent un peu introverti, coureur de fond, avec qui elle avait eu l'enfant non désiré.
Tout fini par un duo de guitare, d'un joli folk...d'Andrew Bird.

Jean-Christophe Diedrich

dimanche 17 février 2008

Deux films pour comprendre la face sombre du "nouvel ordre mondial"

Deux films sortis en 2006 nous offrent un regard intéressant sur les bouleversements du monde de l'après-guerre froide. Ils sont aujourd'hui disponibles en DVD et devraient bientôt être diffusés à la télé. Il s'agit de Lord of War d'Andrew Nicol et de Blood Diamond d'Edward Zwick.

Lord of war

Originaire d'Ukraine, Yuri Orlov (l'excellent Nicolas Cage) a grandi à Brooklyn dans ce qu'on appelle la "Little Odessa". Peu désireux de passer sa vie dans le restaurant de ses parents, il se lance dans la vente d'armes et devient un marchand de haut vol.



jeudi 14 février 2008

chansons anti-guerre du Vietnam.


Manifestation de protestation contre la guerre du Vietnam.


En 1968, quatre ans après le déclenchement de l’escalade américaine au Vietnam, de grandes manifestations anti-guerre parcouraient les Etats-Unis. Une manifestation rassemble 250 000 Américains à Washington le 20 novembre 1969 et même un demi million de personnes le 3 mai 1971. Parmi ces manifestants, on trouve de nombreux hippies.

free music


Ce mouvement, qui apparaît dans la seconde partie des années soixante sur la côte ouest des Etats-Unis, se développe dans ce contexte de contestation et de refus de l’ordre établi. Les manifestations contre la guerre du Vietnam rassemblent une partie de la jeunesse. Cette génération née au lendemain de la seconde guerre mondiale entend fuir la société de consommation, refuse la soumission au pouvoir en place. Elle se ressource dans les valeurs écologistes et égalitaires, souvent issues des philosophies orientales.

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Quand ils ne militent pas activement et directement pour faire cesser le conflit au Vietnam. La plupart de ces jeunes prônent simplement la paix, l’amour du prochain (« peace and love ») et aspirent à un monde plus juste.

La musique fut l'un des vecteurs privilégiés de cette révolte, principalement la musique rock. Certains chanteurs prirent ouvertement position contre le conflit.
Dès 1964, le Lyndon Johnson told to the nation de Tom Paxton dénonce l'ambigüité du discours du président américain, à l'origine de l'engagement de son pays dans le conflit.

J'ai reçu une lettre de L.B.J. / elle disait que c'est un jour de chance / il est temps que tu mettes tes pantalons kaki / bien que cela puisse paraître très étrange / on n'a pas de travail pour toi ici / alors on t'envoie au Vietnam / Lyndon Jhonson a dit au pays: / "n'ayez pas peur de l'escalade / j'essaie de faire plaisir à tout le monde / bien que ce ne soit pas vraiment la guerre / on en envoie 50 000 en plus / pour aider à sauver le vietnam des Vietnamiens"

L'attaque est frontale à un moment où les libéraux ménagent Johnson en raison de sa lutte contre la pauvreté. Quelques années plus tard, Paxton récidive avec Talking Vietnam potluck blues, peinture cruelle d'une armée en déroute, dont les soldats ne trouvent de réconfort que dans la consommation de drogues.



Hendrix lors du festival de Woodstock, en août 1969.

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Ainsi, le prodige de la guitare qu’est Jimi Hendrix revisite et « maltraite » à sa manière l’hymne américain (« The Star Spangled Banner »), afin de protester contre ce conflit sanglant, lors de sa prestation à Woodstock, en août 1969. Le son qui sort de sa guitare, saturé, strident, n’est pas sans rappeler les explosions et bombardements d’une guerre.
D'autres titres d'Hendrix évoquent le Vietnam. All along the watchtower empruntée à Dylan, sort juste après l'offensive du Têt, en 1968. Le tableau apocalyptique dressé (inspiré du livre d'Isaïe), les références à la souffrance, à l'évasion et le son stupéfiant qui sort de la guitare valent une grande popularité au titre auprès des troupes. Sur scène, Hendrix prend aussi l'habitude de dédicacer son Machine gun à ceux qui luttent "au Vietnam ou à Berkeley".

The letter interprétée par les Box tops en 1967, évoque le retour des soldats au pays après les rudes combats. Son succès est immédiat chez les combattants:" Donnez-moi un ticket d'avion [...]/ je rentre chez moi, car mon amour m'a écrit une lettre".

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Dans le même état d'esprit, les Fugs manie l'humour noir dans leur fougeux Kill for peace, qui se termine dans un fracas d'obus et de balle:

Si tu n'aimes pas leurs manières / ou la façon dont ils marchent / tue tue tue pour la paix (2x) [...]
Si tu leur laisses la vie sauve / ils pourraient soutenir les Russes [...] / tue tue tue pour la paix
Mitraille ces connards de niakoués / le seul niakoué / auquel un Américain puisse faire confiance / et celui dont la tête jaune / a été dégommée / tue tue tue pour la paix.

Toujours à Woodstock, le groupe Country Joe and the Fish interprète « I feel like I’m fixin to die rag », chanson phare de la protestation contre la guerre. En introduction de la chanson, il fait scander "Fuck " à la foule en guise de condamnation de ce stupide conflit. La chanson dénonce l’absurdité de la guerre, l’envoi d’innocents à l’abattoir:
rappliquez, vous les grands gaillards / oncle Sam a besoin de votre aide / il est dans un sacré pétrin / tout là-bas au Vietnam / alors laissez tomber vos livres / et prenez un fusil / on va vraiment bien se marrer

(« Sent your sons off before it's too late / To have your boy come home in box » = « dites au revoir à vos fils avant qu’il ne soit trop tard / avant qu’ils ne reviennent d’en une boîte »).

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Country Joe and the fish.

L'infatigable Pete Seeger adapte au conflit vietnamien son Waist deep in the big muddy ("embourbé jusqu'au cou"), initialement consacré à la seconde guerre mondiale. Il y narre l'absurdité d'un capitaine qui conduit ses hommes à l'abattoir, en l'occurence des sables mouvants. L'allusion au "grand crétin qui dit qu'il faut continuer" est limpide, elle vise Johnson et entraîne donc une censure implacable du titre.
Il milite encore pour le retrait des toupes américaines avec la chanson If you love your Uncle Sam (bring them home) ("si tu aimes ton oncle Sam, ramène-les à la maison"). Sans verser dans le pacifisme béat, il affirme: "Je ne suis pas vraiment pacifiste, [...]/ si une armée envahissait mon pays / tu me verrais au front".

Le 7 o'clock silent night de simon and Garfunkel dénonce avec subtilité les violences sans fins qu'engendre la guerre. Une voix de speaker égrène les informations toutes plus sinistres les unes que les autres et termine son journal par une citation d'un Nixon péremptoire: "L'opposition à la guerre dans ce pays est la plus grande arme oeuvrant contre les Etats-Unis". Aussitôt, les deux bardes entonnent la berceuse "douce nuit", dont la beauté paisible tranche avec la brutalité des messages précédents.

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un étudiant abbatu sur le campus de l'université de Kent.

Le célèbre chanteur canadien Neil Young, quant à lui, revient dans son titre « Ohio » sur le massacre de 4 étudiants tués par la garde nationale, le 4 mai 1970, sur le campus de l’université de Kent (Ohio), alors qu’ils manifestaient contre l’envoi de soldats dans le sud-est asiatique.

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Arlo Guthrie, fils du barde contestataire Woody Guthrie, compte l’histoire d’un jeune homme qui parvient à échapper à la guerre en se faisant condamner pour vandalisme dans son "Alice's restaurant".

Dans leur titre « Fortunate son » (1969), le Creedence Clearwater Revival dénonce ces « fils privilégiés » exemptés de service militaire (et de guerre du Vietnam) grâce à leur statut de fils d'hommes de pouvoir ou de célébrité (l’auteur s’est inspiré du fils Eisenhower).

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"Certains types sont nés pour agiter le drapeau / oh, ils sont bleus, blancs et rouges / et l'orchestre joue "vive le chef" / ils pointent le canon sur vous / seigneur, c'est pas, c'est pas moi / je sui pas fils de sénateur / c'est pas moi / je sui pas un chanceux."

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Run through the jungle, toujours du Creedence, décrit sans fard la dureté de cette guerre. Un même réalisme frontal entraîne la censure du unknown soldier des Doors ("une balle frappe le devant du casque et c'est fini pour le soldat inconnu").

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Les artistes afro américains ne sont pas en reste cependant. Il s'agit du premier conflit au cours duquel les Noirs combattent dans les mêmes unités que les Blancs. De très nombreux Noirs, pourtant majoritairement hostiles à ce conflit, sont envoyés au Vietnam.

De nombreuses voix s'élèvent contre le conflit au Vietnam: Martin L. King dans un discours de 1967, Mohammed Ali qui refuse de servir au Vietnam en 1967, devient objecteur de conscience. Il lance: " ils veulent que j'aille au Vietnam pour tuer des Vietcongs, alors qu'eux, ne m'ont jamais lynché, jamais traité de nègre, n'ont jamais assassiné mes leaders". Malcolm X, quant à lui, s'étonne de voir " l’homme jaune tué par l’homme noir se battant pour l’homme blanc".

Il n'est donc pas surprenant que cette guerre "inspire" la musique noire américaine. Dans son blues "I don't wanna go to Vietnam", John Lee Hooker chante:"Lord have mercy, Lord have mercy, don't let me go to Vietnam/I have my wife and my family, I don't wanna go to Vietnam/We got so much trouble at home, we don't need to go to Vietnam/Yeah yeah there's a whole lot of trouble right here at home, don't need to go to Vietnam".
J.B. Lenoir rédige un vibrant plaidoyer contre la guerre avec son Vietnam blues (1965):
Vietnam, Vietnam, tout le monde pleure à propos du Vietnam / d'ici peu ils me tueront là bas au Mississippi / personne ne semble s'en préoccuper / oh mon Dieu, si tu pouvais entendre ma prière / s'il te plaît aide mes frères là bas au Vietnam / ces pauvres garçons qui se battent, tuent, se cachent dans des trous / qui tuent peut-être leurs pauvres frères, ils ne savent pas"

Comme beaucoup d'Afro-américains, Lenoir voit aussi dans cet enlisement au Vietnam, un bon moyen pour faire lanterner les Noirs en pleine lutte pour les droits civiques. M. Luther King, qui soutenait initialement la politique de Johnson, dénonce bientôt sa stratégie belliqueuse et souligne à quel point les sommes engagées pour tuer seraient utiles pour venir en aide aux populations misérables des ghettos.



Côté soul, Edwin Starr entonne son hymne antimilitariste « War » (1970) ; Freda Payne qui enregistre en 1971 un morceau pacifiste au titre explicite : « Bring the boys home », aussitôt banni des ondes par le gouvernement. Bill Withers, dans son "I can't write left handed", revient sur les amputations et blessures provoquées par les combats.

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Deux superbes compilations de deep soul retracent le conflit du point de vue des Afro-Américains: "A soldier's sad story_ Vietnam through the eyes of black America 1966-1973" et "Does anybody know i'm here? Vietnam through the eyes of black America 1962-1972" . Sur la première, quelques titres particulièrement réussis peuvent être mentionnés: Marching off the war de William Bell, Soldier's sad story de Tiny Watkins, quintescence de la deep soul sudiste.

Enfin, bien après la fin du conflit, le « Straight to hell » des Clash en 1982 s’intéresse aux enfants nés de l’union de soldats américains et de Vietnamiennes et le sort peu enviable qui est réservé à ceux qui souhaitent se rendre aux Etats-Unis.

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N'hésitez pas à me signaler en commentaire le nom d'autres titres qui dénoncent cette guerre. D'avance merci.

Sources principales:
- Yves Delmas et Charles Gancel:"Protest song", Textuel musik, 2005
- Un TPE original et intéressant: "que chantait l'Amérique?" (lors de la guerre du vietnam).

Liens:
- Les principaux concerts du festival de Woodstock (notamment celui d'Hendrix).